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Expérience d'élevage avec les Torquéoles de Gingi

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Texte et photos Laurent Fontaine (05-2009)


  J'ai eu l'occasion lors d'un de nos voyages de me voir confier trois torquéoles de Gingi adultes. Tout de suite séduit par leur forme sympathique et leur originalité, je me suis mis en quête d'informations sur leur élevage et sur de nouveaux sujets pour m'assurer un couple non consanguin.     
    Après deux ans, je peux confirmer que ce sont des espèces malheureusement peu courantes dans nos élevages. Il existe quelques éleveurs en Espagne, au Bénélux et en Allemagne, mais pour la bibliographie, mis à part le Partridges of the world de Gary Robbins, la majorité des publications sur l'élevage est réservée aux germanophones. Sur un plan réglementaire, ils sont en annexe D du règlement CE 338/97, donc un certificat de cession suffit pour l'Europe, mais il faut une notification d'importation pour les faire venir d'autres pays.
    Mes trois premiers oiseaux ont été logés dans une volière communautaire de 70 m² en compagnie d'un couple de coqs sauvages, d'un couple de pigeons des olives, d'un couple de colombes de Turvert, d'un couple de merles métalliques et d'un petit groupe de cailles peintes de Chine. La volière étant richement plantée, j'ai eu beaucoup de mal à les observer les premières semaines, tant ils étaient timides. Mais en quelques semaines, et à renfort de quelques vers de farine, ils sont devenus confiants, mangeant volontiers à mes pieds. La volière communautaire était équipée d'un abri hors gel chauffé à 5°C mais ils ne l'utilisaient guère, préférant se percher dehors même par fort gel. Je n'ai jamais observé la moindre gêne face au froid mais il est évident qu'ils n'apprécient pas l'humidité. Ils paraissent également relativement résistants (en comparaison aux francolins ou aux autres perdrix) face aux pathologies que j'ai eu l'occasion d'observer dans mon élevage : coryza, hétérakis et histomonose. 
    Ils sont cependant vermifugés deux fois par an : une dose d'oramec en drogage (et un contrôle de l'état général lors de la capture) et une cure de 5 jours de panacure dans l'aliment quinze jours plus tard.
    En complément de ma volière communautaire, j'ai réalisé deux types de batteries : 8 cages extérieures à fond grillagé (145 x 45 x 45 et 30 cm) et 8 cages intérieures (120 x 40 x 30cm) à fond plein et plafond capitonné (voir photos). J'ai testé les trois installations en maintien simple et en reproduction. Mes conclusions sont relativement simples : pour un maintien simple ( hivernage , isolement…) ils supportent bien un sol grillagé mais vu leur fort comportement gratteur, ce n'est pas l'idéal. Leurs griffes n'ont pas un développement assez rapide et j'ai dû les tailler régulièrement pour 5 des 6 oiseaux. Ce problème a été moins important dans les batteries sur écosol (possibilité de gratter le sol) mais il faut veiller à les humidifier régulièrement pour garder une bonne qualité de plumage, sans quoi, il devient terne et cassant. Le premier souci que j'ai rencontré fut leur sexage. L'éleveur qui me les avait confiés m'avait avoué que ce n'était pas aisé. Malgré les planches très détaillées du Birds of the world de Del Hoyo, je n'ai jamais pu observer de dimorphisme clair, même chez les oiseaux que j'ai obtenus depuis. Sur l'observation morphologique et le comportement de nourrissage réciproque, je statuais sur un trio espagnol : deux mâles et une femelle. Par la suite, j'ai obtenu une femelle en Belgique (bon état général mais absence de narine probablement due à un piquage précoce) et un couple (certifié par l'éleveur !) en Allemagne. Après plusieurs essais infructueux durant l'hiver pour former des couples non consanguins en batteries, je suis revenu aux groupes initiaux. N'ayant pas le temps de monter de nouvelles volières, j'ai décidé d'assurer la sécurité en tentant la reproduction du couple allemand en batteries intérieures et du trio espagnol en volière communautaire. Dès avril, des nids en forme de boule (similaire à ceux des roulrouls), constitués de branchettes et d'herbes sèches, sont apparus dans la volière. Dans les batteries, le couple allemand a commencé à pondre : un oeuf tous les 1 à 2 jours, avec une pause d'une semaine pour un total de vingt-quatre oeufs ! Le rythme de ponte m'a surpris mais au treizième oeuf, j'avais compris…un peu trop tard : malgré la nette différence de taille et de stature entre les deux oiseaux, j'étais devant deux femelles ! Du côté de la volière, les trois oiseaux s'affairaient continuellement à monter de nouveaux nids à partir des nids précédents et à se nourrir mutuellement, mais pas un oeuf… Etant fixé sur les deux oiseaux allemands, j'ai décidé de faire sexer par endoscopie les trois oiseaux espagnols et la femelle belge durant l'été. Cette dernière a succombé lors de l'anesthésie et son autopsie a révélé une pneumonie avancée, probablement liée à son défaut de narine. Le sexage des trois espagnols a confirmé mes doutes : malgré les différences morphologiques, il s'agissait de trois mâles. Après ces expériences, j'en conclu qu'il est facile de distinguer les individus sur des critères de taille et de stature mais en aucuns cas de les sexer morphologiquement de façon sûre ! Après avoir déménagé en septembre dernier, je termine mes installations mais trop tard pour que le couple qu'il me reste puisse profiter d'une volière extérieure. Ils ont passé l'hiver et ce début de saison en batteries intérieures sur paillette de lin. Le mâle chante tôt le matin depuis décembre et fait plusieurs appels moins longs dans la journée. Ils n'ont pas utilisé le nichoir (pot plastique de 20 cm de diamètre ouvert sur deux côtés) mais ont fait un nid en brindilles.
    Ils ont pondu en avril et mai : 2 séries de 6 oeufs à 2-3 jours d'intervalle avec une pause de 8 jours mais malheureusement tous clairs. Sur le plan du comportement, je n'ai pas encore eu l'occasion d'élever des jeunes, mais j'ai pu effectuer différentes observations sur leur comportement : ce sont des oiseaux timides mais qui s'apprivoisent relativement rapidement. Le couple ou le groupe familial défend activement son territoire. J'ai introduit un couple de tragopans satyre d'un an dans la volière communautaire. J'étais à peine sorti de la volière que les torquéoles les ont attaqués, de façon groupée, un peu à la manière des Gallus : pattes en avant et coups de bec ensuite. Le mâle tragopan, malgré ses tentatives de riposte, a trouvé son salut dans les hauteurs de la volière mais si je n'avais pas retiré la femelle qui était prostrée je pense que ça lui aurait été fatal. Je l'ai réintroduite par la suite en aménageant une volière de près-lâcher au sein de la volière communautaire. Une fois les uns habitués aux autres, tout s'est très bien passé : les torquéoles ont tenté l'intimidation mais la femelle tragopan a compris qu'il valait mieux fuir que faire face. Vis à vis des cailles peintes, les torquéoles ont montré un intérêt prédateur (tout comme les merles) pour les premiers jeunes. Mais le couvert végétal étant suffisant, j'ai bagué une douzaine de jeunes cailles, nées de deux couples, dans cette volière. Ce sont des oiseaux actifs, toujours en train de gratter ou d'explorer la volière. Ils n'abîment pas spécialement la végétation mais ils déterrent systématiquement la végétation fraîchement plantée. Leur chant n'est pas désagréable, mais il est aussi puissant que celui de la perdrix rouge et je déconseille ces oiseaux si le voisinage est un peu sensible au bruit. Enfin, pour l'alimentation, je les maintiens à l'entretien avec un mélange 2/5 vermicelles faisans, 2/5 mélange tourterelle (sans tournesol) et 1/5 mélange égal de pâté universelle (Versel-Laga) et de T16. J'y incorpore également un complément minéral (1/2 cuillères à café pour 3 litres de mélange) et un complément vitaminique (même dose). Enfin, ils reçoivent des vers de farine et des pinkies (sans colorants !) deux fois par semaine hors reproduction et tous les jours à partir de mars. Pour les fruits, ils apprécient les fruits rouges mais ne sont pas de grands consommateurs de pommes. De même pour la verdure, ils en consomment un peu mais ne semblent pas très friands. J'espère réussir à trouver de nouvelles souches pour former de nouveaux couples mais il n'est pas toujours évident de traverser l'Europe pour collecter des oiseaux aussi peu courants. J'espère avoir de meilleurs résultats l'an prochain en maintenant les couples en volière extérieure avec abri (5 x 1 x 2m) et pouvoir vous montrer à quoi ressemble un poussin de Torquéole de Gingi !

                                                    Reproduction partielle ou totale interdite sans autorisation de l'auteur

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